Stravius, une force tranquille
Publié le 2 août à 09:36
A 21 ans, Jérémy Stravius vit les premiers Championnats du monde de sa carrière à Rome, quelques mois après avoir conquis son premier titre de champion de France sur 100m dos. Une montée en puissance rapide pour un jeune homme serein et qui ne se complique pas la vie.
Souriant, avec un débit de paroles assez rapide mais clair, le regard franc, Jérémy Stravius donne l’impression d’être dans son élément aux Championnats du monde de Rome. Pourtant, ce sont ses premiers pas dans ce monde. A Montpellier au mois d’avril dernier, il a conquis son premier titre de champion de France, sur 100m dos avec le record de France à la clé, puis un titre de vice-champion de France sur 200m dos et une médaille de bronze sur 50m dos. "Je ne me pose pas de questions", dit-il. "Quand je veux quelque chose, je mets tout en place pour y parvenir."
Un caractère qu’il s’est forgé au long d’un parcours atypique. Avec un père ouvrier et une mère au foyer, il est placé dans une famille d’accueil, en compagnie d’un de ses frères puisqu’ils sont trois frères et trois soeurs (âgés entre 18 et 28 ans). C’est donc avec ses deuxièmes parents qu’il va évoluer, et c’est eux qui vont un peu le pousser à aller jusqu’au Bac (S). "C’était nécessaire d’avoir le Bac, et j’ai été content de l’obtenir. Et puis mon frère était parti avant en sport-études, et cela ne s’était pas très bien passé pour concilier le sport et les études." C’est avec son frère qu’il a fait ses premières armes dans la natation, touchant rapidement au football, avant de se lancer dans le bassin au sein du Club Nautique Albatros de Friville. "Une fois le Bac passé, j’ai pensé beaucoup plus à la natation et je m’y suis investi", explique-t-il. Certes, il s’est inscrit en Staps, mais sans succès, sa deuxième 1ère année étant nettement handicapée par sa préparation aux Mondiaux de Rome. L’an prochain, c’est donc le Brevet d’Etat d’Educateur Sportif Activité de la Natation (BEESAN) qu’il va préparer, sur deux ans.
Pour faire tout cela, il a décidé de quitter Friville pour le club d’Amiens et son entraîneur Michel Chrétien. "Il m’avait sollicité auparavant, mais j’avais préféré rester car j’étais alors en 1ère S. Je le connaissais ; on faisait des stages en commun entre les deux clubs. Et à Amiens, il y a la fac, et ce n’est pas très loin de ma famille." Dans ce nouveau club, Jérémy Stravius va se découvrir : "Je suis un sprinteur. A Amiens, je me suis surpris moi-même car j’ai fini tous les entraînements, j’ai travaillé l’endurance et cela marche bien." Après une première année "toujours à l’écoute de Michel", il commence à s’affirmer désormais : "Il y a plus d’échanges entre nous, mais aussi quelques coups de gueules, comme tous les nageurs. Pour être sportif de haut niveau, il faut savoir encaisser. Encaisser les entraînements, encaisser les remarques et les coups de gueule, et ce n’est pas toujours facile. Il faut avoir un sacré mental."
Et pour sa première course en Championnats du monde (100m dos), le Picard a franchi le cap des séries pour atteindre les demi-finales. "Pour moi, les séries, c’était ma finale. Si je me ratais, tout était fini : pas de demi-finale, pas de place en relais 4x100m 4 nages. J’étais dans ma bulle : je n’avais pas vu la piscine, les tribunes", raconte-t-il. Mais il est passé, et en demi-finale, il s’est retrouvé dans la même course qu’Aaron Peirsol, la référence de la discipline. "Dans la chambre d’appel, j’étais assis à côté de lui. J’essayais de ne pas le regarder, mais c’était difficile. Je suis devenu un peu spectateur. J’ai un peu dérapé. Et puis, j’ai été cité en tant que représentant de la France. C’est le début d’une expérience. La prochaine fois, je gérerais ça différemment." La prochaine fois, ce sera dès samedi avec le relais 4x100m 4 nages, aux côtés de Clément Lefert, Hugues Duboscq et Alain Bernard. Et au moment de lancer le relais, Jérémy Stravius aura une toute autre approche : "Je ne suis plus un figurant. J’ai gagné ma place dans les douze premiers mondiaux." Et il compte bien continuer à progresser, avec les Jeux Olympiques de Londres en ligne de mire.